Préservation des prairies naturelles de France

    Statut
    En cours

    Couvrant 20 % du territoire en France métropolitaine, les prairies naturelles constituent un héritage agronomique, paysager et naturel singulier... Or le changement climatique et les récentes évolutions du secteur agricole ont aujourd’hui de profondes conséquences sur la biodiversité prairiale, amenant les CBN à répondre à des enjeux de plus en plus forts…

    Description

    Un patrimoine et des services exceptionnels mais en voie d’extinction…

    La diversité des pratiques agropastorales et des conditions naturelles sont à l’origine de végétations uniques et propres à chaque terroir, notamment dans les régions de montagne et de bocage. 

    Outre leur présence ancienne dans le paysage français et leur attrait touristique, les prairies supportent avant tout la production d’aliments carnés et laitiers reconnus dans le monde entier ; ce n’est pas un hasard si la France peut s’enorgueillir de ses mille variétés de fromages ! 

    Crédits photos : S. Perera

    Les pratiques agricoles, lorsqu’elles demeurent extensives, maintiennent une incroyable biodiversité qui assure des fonctions de pollinisation, de régulation du régime des eaux, de limitation de l’érosion des sols... On sait aujourd’hui que les prairies les plus riches en espèces végétales indigènes apparaissent souvent comme les plus résilientes face aux aléas climatiques (ex. sécheresses estivales, gels tardifs) mais aussi celles qui stockent le plus de carbone dans le sol (1 tonne par ha et par an).

    Cependant, ces écosystèmes sont fortement menacés par le changement climatique, l'intensification de certaines pratiques agricoles et l’urbanisation qui contribuent à la perte d'environ 50 000 hectares de prairies chaque année depuis 2020. 

    L’apport excessif de fertilisants, par exemple, favorise les espèces les plus banales (orties, chardons, ombellifères, pissenlits…) au détriment d’espèces moins compétitives (centaurées, campanules, knauties, orchidées…). 

    Crédits photos : P.M. Le Henaff (CBNMC)

    Ailleurs, c’est l’abandon des parcelles et leur boisement progressif qui contribuent à la disparition de cette flore.

    – EN CHIFFRES –
    Selon la liste rouge de la flore vasculaire menacée de France (2018) à laquelle ont contribué les CBN, plus de 235 plantes inféodées aux espaces agricoles sont ainsi menacées.

    La méconnaissance de la flore indigène contribue également à son remplacement involontaire par des mélanges commerciaux de trèfles, ray-grass et dactyles, parfois exotiques et à valeur nutritive quasi-égale.

     

    L’expertise des CBN au service des prairies naturelles...

    Ce constat a conduit les CBN et leurs partenaires (INRAe, chambres d’agriculture) à réaliser d’importantes campagnes d’inventaires floristiques et phytosociologiques

    À travers des catalogues, des guides techniques et autres ouvrages régionaux, ces travaux ont mis en évidence une flore riche de plus d’un millier de plantes différentes à travers plus de 300 types de végétations prairiales, très loin devant les quelques dizaines d’espèces fourragères proposées par les semenciers. 

    Crédits photos : L. Monlyade (CBNMC) & L. Chabrol (CBNMC)

    D’autres ont montré, par exemple, l’influence de la flore sauvage sur la qualité organoleptique des produits carnés et laitiers (acides gras, nutriments, richesse aromatique, texture...). 

    Cette propriété a d’ailleurs conduit récemment certaines AOP (Saint-nectaire, Fin gras du Mézenc…) à modifier leur cahier des charges afin de placer les prairies naturelles à flore diversifiée comme une composante essentielle de leur signe de qualité.

    Promouvoir une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement est devenu un enjeu phare. Et les CBN ont multiplié les initiatives pour aider les exploitants à prendre en compte la diversité floristique dans leurs itinéraires de production.

    Outre les journées d’échange et de formation permettant de croiser les regards des éleveurs et des botanistes, les Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) constituent un outil efficace pour maintenir les pratiques favorables là où elles risquent de disparaître : dans certains cas, le versement d’aides financières aux éleveurs est conditionné au maintien de plantes indiquant le bon état écologique des prairies. 

    Crédit photo : U. Bourdon-Denis (PNR Aubrac) & L. Monlyade (CBNMC)

    Ces listes d’espèces indicatrices ont été suggérées par les CBN auprès des DRAAF et structures porteuses de projets agro-environnementaux et climatiques (PAEC).

     

    Contribuer à la restauration et à la pérennité des prairies naturelles : un défi pour les botanistes et les agronomes

    Disposer de données à moyen terme pour appréhender l’évolution des prairies dans un contexte de changement climatique est un autre enjeu considérable quant à leur pérennité. 

    Pour y répondre, plusieurs observatoires régionaux de milieux agropastoraux rassemblant de multiples partenaires sont désormais en projet (Grand-Est, Massif-Central, Normandie, Nouvelles-Aquitaine et Occitanie).

    Crédit photo : C. Hennequin

    Mais, outre la nécessité de suivre et comprendre l’évolution des prairies, certains CBN élaborent des plans d’actions spécifiques à l’exemple du projet de PNA en faveur des prairies alluviales des grandes vallées de l’Est de la France (voir ci-dessous). 

    Plus globalement, le réseau des Conservatoires botaniques nationaux, l’INRAE et l’Office français de la Biodiversité ont souhaité travailler, en 2021, à un Plan d’actions (de portée nationale) en faveur de la conservation des prairies naturelles. Le consortium ainsi formé, rapidement rejoints par le réseau des Parc naturels nationaux/régionaux, des Conservatoires d'espaces naturels et le Forum des marais atlantiques, espère mobiliser les acteurs des territoires pour favoriser l’utilisation d’outils fonciers, de planification et d’accompagnement des bonnes pratiques agricoles, valoriser leurs services écosystémiques, surveiller leur évolution et sensibiliser les exploitants et les consommateurs à leur préservation.

    En attendant, les pratiques de fauche précoce, les impacts du changement climatique, les rotations culture/prairie, ou encore les dégâts occasionnés par les campagnols terrestres amènent aujourd’hui les agriculteurs à retourner ou sur-semer leurs prairies naturelles. 

    Pour restaurer ces prairies dégradées, les CBN et leurs partenaires expérimentent des méthodes innovantes de récolte et de réensemencement à partir de semences collectées sur des prairies à forte biodiversité (notamment sous la marque « Végétal local »). 

    Crédits photos : M. Pouvreau & A. Roumier

    Ces expérimentations permettent de proposer des alternatives à l’emploi coûteux et impactant de variétés génétiquement modifiées et/ou exotiques, tout en préservant et en valorisant la biodiversité indigène.

    Les prairies naturelles sont ainsi à la croisée d’enjeux particulièrement forts auxquels le réseau des CBN espère bien répondre en tentant de concilier compétitivité agricole et respect de l’environnement. 

    Face au changement climatique, la résilience des écosystèmes agropastoraux ne peut se soustraire à la nécessité de conserver la plus grande biodiversité possible dans les parcelles…

     

    En savoir plus

    Pour aller plus loin, découvrez quelques projets structurants menés par les CBN en faveur des prairies :

     

    Zoom sur

    Un Plan national d’action en faveur des prairies alluviales de fauche à Ail anguleux et Violette élevée des grandes vallées de l’Est de la France

    Présenté par le CBN du Bassin parisien fin 2022 au groupe de travail Flore-Fonge-Habitat-CBN du CNPN, le projet de plan national d’action s’intéresse aux prairies alluviales oligo-mésotrophiles des grandes vallées de l’Est de la France

    Ces prairies qui présentent de nombreuses originalités floristiques et phytosociologiques figurent parmi les habitats ayant le plus régressés ces dernières décennies sous l’influence de mutations agricoles, sylvicoles et de l’exploitation des ressources souterraines. À ces menaces encore très actives dans les grands corridors fluviaux s’ajoutent des pressions d’eutrophisation généralisée des nappes et de modification des régimes hydriques des rivières.

    Environ 25 espèces végétales remarquables menacées d'extinction se trouvent dans ces milieux parmi lesquelles Allium angulosum, Allium suaveolens, Viola elatior, Viola pumila et Viola stagnina ciblées plus particulièrement par le PNA.

    La rédaction de ce PNA porté par les CBN alpin, du Bassin parisien, de Franche-Comté, du Massif central et les acteurs des projets de CBN en Alsace et en Lorraine, devrait aboutir fin 2025.

    Ce PNA en cours d'élaboration est l'illustration parfaite des enjeux floristiques que recèlent certains types de prairies.

    >> En savoir plus sur les Plans Nationaux d'Actions (PNA)